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Le château de Langeais, reconstruit par Louis XI en 1465, se dresse dans la commune du même nom dans le département d'Indre-et-Loire, en région Centre-Val de Loire, en France. Il a remplacé un premier château fort édifié à la fin du xe siècle par Foulques Nerra. Au titre des monuments historiques, le château fait l’objet d’un classement par arrêté du 13 mars 1922 ; la partie du parc du château autour des ruines du donjon jusqu'au pont fait l’objet d’un classement par arrêté du 26 mai 1942.
Historique
Dès le xe siècle, le site de Langeais est un lieu stratégique, à la frontière du comté d'Anjou et du comté de Blois : par son emplacement sur un éperon rocheux entre la Loire et son affluent la Roumer, il permet de contrôler la route tracée sur la rive droite du fleuve. Dès cette époque, un seigneur tient la position, comme en atteste les vestiges des bases d'une tour et d'une chapelle Saint-Sauveur. Il s'agit probablement d'un castrum disposant d'un donjon sur motte (une aula transformée en tour3.) construit en pierre et non en bois, associé à un domicilium5.
Dans sa marche vers la Touraine, Foulques Nerra, comte d'Anjou, s'empare de Langeais en 994. Il y fait bâtir un ouvrage fortifiénote. Il serait, avec son corps de logis pourvu d'emblée d'organes défensifs l'un des premiers donjon de pierre — ayant des vestiges qui ont subsisté — avec l'aula de Doué-la-fontaine, transformée en une tour maçonnée à partir de 950. La forteresse de Langeais est construite sur un plan carré. Elle s'élève sur deux étages, éclairés de quelques fenêtres, et doublée d'une enceinte elle-même fortifiée, tandis qu'un fossé sec est creusé à l'arrière pour renforcer la défense face aux machines de siège.
Un temps repoussé par les troupes de Thibaut II, comte de Blois, Foulques Nerra reprend Langeais en 1017 à son successeur Eudes II.
Sous la domination de la dynastie anglaise des Plantagenêt, le château est agrandi par le roi d'Angleterre Richard Cœur de Lion, comte du Maine et d'Anjou de 1189 à 1199. Philippe Auguste le reconquiert en 1206, puis il est détruit par les Anglais lors de la guerre de Cent Ans. Du bâtiment de cette époque subsiste une façade de la tour principale, appelée « donjon de Foulques Nerra ».
En 1465, Louis XI ordonne la reconstruction du château, en contrebas des vestiges de l'ancien édifice ; les travaux sont menés sous la direction de Jean Bourré, trésorier de France et ami du roi, et Jean Briçonnet. Le nouveau château de Langeais est achevé en 1469.
Mariage d'Anne de Bretagne avec Charles VIII (reconstitution avec des modèles en cire).
L'événement le plus marquant de la vie du château est le mariage royal de Charles VIII avec Anne de Bretagne, célébré le 6 décembre 1491 à 7 h du matin. La jeune duchesse n'avait alors que 14 ans et son mariage signe la fin de l'indépendance du duché de Bretagnenote.
Jusqu'au règne de Louis XIII, le domaine de Langeais reste la propriété de la couronne de France, qui le donne parfois à titre d'indemnisation ou de récompense. Il appartient ensuite à différentes familles.
Pillé et laissé à l'abandon à la Révolution et au début du xixe siècle, les bâtiments furent remis en état à partir de 1833, puis en avril 1839 par Christophe Baron, avoué à Paris9 qui avait acquis le château pour 35 000 francs de la famille Moisant qui le possédait depuis son achat en 1797 par Charles-François Moisant au duc de Luynes pour 170 000 francs.
Casimir Boisleve, maire depuis 1830, rêve d'une nouvelle mairie. En 1838, il a exposé au conseil municipal son projet d'acquisition du château qui est en vente depuis le décès de Mme Moisant, dernière propriétaire : « (...) Déjà plusieurs spéculateurs se sont présentés pour l'acheter et le démolir afin d'en vendre les matériaux (...) » Mais la dépense est importante et, malgré les efforts de M. Boisleve, le château trouve preneur en la personne de M. Baron en avril 1839. Le fleuron de Langeais est en piteux état. La municipalité, locataire partiel, a transformé la grande salle du bas en écurie pour les chevaux des gendarmes. Une autre partie est affectée à l'auditoire de la justice de paix et à la prison cantonale. Les voisins occupent à leur guise caves et communs. Le parc est divisé en une soixantaine de parcelles consacrées aux arbres fruitiers et à la vigne.
Les spéculateurs évoqués par le maire en 1838 sont probablement le syndicat de démolisseurs-récupérateurs de biens connus sous l'appellation de « Bande Noire », dont l'orléanais Pilté-Grenet, auteurs de la démolition quasi complète et de la vente comme matériaux de construction des châteaux poitevins de Richelieu et de Bonnivetnote.
Habité, restauré, remeublé, vidé... puis remeublé
Le château et son jardin, vus depuis les restes de la forteresse du xe siècle.
La salle de banquet.
Meubles et tapisseries de la chambre de parement.
« M. Baron s'est plu à faire restaurer cette ancienne demeure seigneuriale avec une entente parfaite de l'architecture d'une imposante simplicité (...) il ne s'est pas contenté de restaurer avec un goût vraiment artistique (..) Émule du bon Du Sommerard, il a formé une sorte de musée12 ».
Trente ans plus tard, le fils Baron, lourdement endetté, vendit l'importante collection paternelle en 822 articles numérotés.
Deux ans auparavant, Mme Baron avait donné au musée des Beaux-Arts de Tours une grande réplique en bronze — fondue en 1839 sur les moules originaux — de la Diane Chasseresse de Houdon, une des plus célèbres sculptures du xviiie siècle et maintes fois reproduite14.
À la mort du fils Baron, le château fut acquis le 28 juillet 1886 par le banquier et homme d'affaires mulhousien Jacques Siegfried, oncle d'André Siegfried, qui pendant 20 ans le restaure et le remeuble avant de le donner à l'Institut de France le 22 mars 1904 (acte Colin-Langeais) — avec réserve d'usufruit pour ses héritiers.
Dépôt d'archives d'État « Je revois le village se découper en grisaille sur un ciel d'automne, le château où s'entassent nos documents, les arbres du parc et les monceaux de feuilles mortes. Car j'ai été repliée à Langeais, en septembre 1939, engagée comme traductrice-rédactrice au ministère des Affaires étrangères le jour de la déclaration de guerre (…) Les précieuses Archives diplomatiques, les services du blocus, ont quitté Paris en autobus (...) L'envahissement de ce petit village, dont les hommes sont sous les armes, est une curieuse expérience. Le château est gardé par nos huissiers. Je revois Mlle Siegfried debout devant son manoir et je ressens comme autrefois la tombée de la nuit et du silence sur Langeais où nous avons vécu en attendant la guerre. »