Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire.
La forteresse royale de Chinon, comme beaucoup de châteaux, est construite sur un éperon rocheux dominant la Vienne et la ville. Cette position stratégique lui permet de s’assurer le contrôle du passage sur la Vienne, affluent de la Loire. Le bourg s’est développé en contrebas, sur la rive. Petit à petit, l’espace a été structuré en trois parties distinctes, que les rois ont appelé leurs « trois châteaux », et qui figurent de manière stylisée sous la forme de trois tours sur les armoiries de la ville. Ainsi, d’ouest en est, l’éperon est barré par une série de fossés — des douves sèches — qui séparent les trois châteaux : le fort du Coudray, le château du Milieu, et le fort Saint-Georges. Chacun des trois châteaux possède une enceinte indépendante. C’est dans le château principal, le château du Milieu, que se développent les principaux logis et le prieuré Saint-Melaine.
Historique
Au XIe siècle, les comtes d’Anjou menacent fortement la puissance des comtes de Blois. Ils s’emparent de la Touraine en 1044 : la Forteresse de Chinon est cédée à Geoffroy Martel. Il meurt sans enfant en 1060. Son neveu Foulques IV lui succède. Il réussit à rétablir peu à peu son autorité sur ses vassaux particulièrement indisciplinés. A sa mort en 1109 l’Anjou atteint à peu près sa configuration définitive. Ses puissants voisins sont le roi de France, le duc d’Aquitaine et le duc de Normandie.
C’est à Foulques IV que l’on doit l’achèvement de la nouvelle enceinte de la Forteresse. Il lève notamment des impôts à cette fin, entre 1087 et 1105.
La Forteresse de Chinon est au centre des possessions continentales du roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, devenu en 1154 maître d’un empire s’étendant de l’Ecosse aux Pyrénées. Il y entrepose une partie du trésor
AN 1189
Abandonné par ses enfants qu’il n’a pas su ni voulu associer à son pouvoir, malade et fuyant Philippe Auguste, Henri II Plantagenêt meurt à la Forteresse de Chinon en 1189. Accompagné par Geoffroy, fils illégitime mais seul à lui être demeuré fidèle, le corps est transporté à l’abbaye de Fontevraud pour y être enseveli. Richard, enfin roi, vient saluer rapidement la dépouille de son père, pour la forme. Fontevraud devient la nécropole des Plantagenêt : Aliénor d’Aquitaine et Richard Cœur de Lion y seront également enterrés.
Dès 1200, Jean Sans Terre qui a conscience de l’importance stratégique de Chinon, prépare la Forteresse à la guerre. Après la prise de la Normandie, Philippe Auguste part à la conquête de la Touraine. A l’automne 1204, les armées du roi de France mettent le siège devant la Forteresse. Hubert du Bourg est connétable de Chinon depuis 1203 et soutient le siège contre Philippe Auguste jusqu’en 1205. C’est un grand chef de guerre qui a pu jouer un rôle actif dans la conception de la défense de la Forteresse de Chinon. Malgré cela, Philippe Auguste prend le château le 23 juin 1205, après un siège de neuf mois.
Au lendemain de sa victoire, Philippe Auguste doit réactiver les capacités défensives de la Forteresse très affaiblie par le siège. Il y fait construire une grande tour circulaire, la tour du Coudray.
Entre juin et août 1308, la Forteresse de Chinon est le théâtre d’un événement important de l’histoire de l’ordre du Temple. Cet épisode s’inscrit dans le cadre d’une lutte de pouvoir entre le roi de France Philippe le Bel et le pape Clément V. Plusieurs mois après avoir ordonné l’arrestation de tous ses membres, Philippe le Bel accepte d’envoyer soixante-quinze templiers devant le pape à Poitiers. Mais, en cours de route, le roi fait retenir à la Forteresse de Chinon les cinq dignitaires de l’ordre, dont le grand maître Jacques de Molay, dans le but de faire capoter toute tentative d’absolution par le souverain pontife. Le pape décide alors d’envoyer, à la Forteresse de Chinon, trois cardinaux chargés d’interroger les dignitaires afin de les réintégrer au sein de l’église catholique. Le parchemin de Chinon est l’acte authentique qui résulte de cette entrevue.
Jeanne d’Arc est venue rencontrer Charles VII à la Forteresse de Chinon. Cet épisode célèbre de l’épopée Johannique est généralement décrit comme une scène mythique et miraculeuse : « La Reconnaissance ». Il n’en est rien, car il y eut non pas une, mais deux entrevues à Chinon. La première se déroule le 25 février 1429, deux jours après l’arrivée de Jeanne. Elle est menée jusqu’aux appartements du roi où celui-ci la reçoit en petit comité. Elle est logée dans la tour du Coudray. Puis Charles VII l’envoie à Poitiers pour que ses conseillers et docteurs en théologie puissent juger de sa bonne foi. A son retour, Jeanne est à nouveau reçue par le roi, entre le 27 mars et le 5 avril 1429. Cette seconde audience dite du « signe », prit l’aspect officiel et public qu’on attribue généralement à la première entrevue. Elle marque la fin de l’enquête de Poitiers et tient lieu de présentation officielle de Jeanne.
A partir du XVIe siècle, la Forteresse de Chinon est dépourvue de rôle stratégique, elle est abandonnée au profit de châteaux plus modernes. En 1824, malgré la dangerosité du site, le parc de la Forteresse est aménagé en promenade publique. Le circuit est agrémenté d’une pépinière de mûriers, un parterre est installé à l’emplacement de la grande salle des logis en ruine. En 1840, la Forteresse est classée Monument Historique, mais les ruines restent dangereuses, et en 1854 la municipalité demande la démolition des bâtiments. L’intervention de Prosper Mérimée sera décisive et marquera le début des travaux de restauration.
La Forteresse a fait l’objet d’un vaste projet de restructuration entre le début des années 2000 et 2010 : restauration des remparts et des logis royaux, construction d’un bâtiment neuf pour accueillir la billetterie/boutique. Ces travaux ont été précédés et accompagnés, de 2003 à 2010, de fouilles archéologiques sans précédent permettant un renouvellement historique complet. Un nouveau parcours de visite agrémenté de nombreux dispositifs interactifs est proposé.